A Mayotte, les tensions se cristallisent autour des centres de santé
Vendredi 26 mai, le soleil n’avait pas encore atteint son zénith que l’atmosphère était déjà brûlante au dispensaire de santé de Jacaranda, sur les hauteurs de Mamoudzou, la capitale économique de Mayotte. De part et d’autre de la route, deux groupes de femmes : les unes, comoriennes pour la plupart, veulent accéder à la pharmacie centrale attenante au dispensaire ; les autres, mahoraises, ne veulent pas de leur présence ici. Elles portent les mêmes boubous, parlent souvent la même langue, vivent sur la même île, mais tout les sépare.
Soudain, une femme médecin, une « muzungu » comme on désigne ici les Blancs et les personnes venues de la métropole, traverse la route, passe entre les deux gardes de sécurité, une pile de carnets de santé et d’ordonnances sous le bras. Elle ressort de la pharmacie quelques minutes plus tard, un gros sac en plastique rempli de médicaments à la main. Fébrile, elle retraverse la route et fait signe aux femmes qui attendent leurs médicaments de la rejoindre. Là, elle déballe et distribue à toute allure les boîtes de comprimés aux unes et aux autres, sur un coin de parking.
Les femmes d’en face s’approchent, les invectivent en mahorais, s’énervent. La médecin s’engouffre dans l’hôpital, les autres s’éparpillent sans demander leur reste. Comment comprendre cette scène énigmatique où la tension, aussi soudaine qu’inattendue, jaillit d’un coup ?
« Nous ne sommes pas venus ici pour souffrir »
Depuis le 4 mai, des collectifs de femmes mahoraises qui se présentent sous des noms divers – Collectif des citoyens de Mayotte, Collectif 2018 – bloquent l’accès aux structures de santé du 101e département français. Le dispensaire de Jacaranda, bien qu’officiellement rouvert, reste le dernier à ne pas pouvoir fonctionner normalement, tout comme la pharmacie du Centre hospitalier de Mayotte (CHM), un grand bâtiment blanc situé juste en face. Une demi-heure après l’incident, une voiture de police vient stationner devant la pharmacie. Encore une demi-heure et la distribution normale de médicaments reprend.