Comment ALP Services a conçu le Qatargate pour le compte des EAU
Le scandale du Qatargate, une saga de corruption présumée et d’ingérence impliquant le Qatar au sein de l’Union européenne (UE), a pris une tournure surprenante avec l’émergence de documents pointant le rôle des Émirats arabes unis (EAU) dans l’orchestration du scandale. L’agence de détective suisse ALP Services, travaillant pour le compte des services de renseignement des Émirats arabes unis, s’est lancée dans une campagne stratégique visant à contrer l’influence du Qatar dans l’UE. L’opération, baptisée “Constellation”, visait des politiciens européens et des groupes de pression soutenant prétendument le Qatar, utilisant des tactiques douteuses pour influencer les institutions européennes.
Le plan offensif d’Abu Dhabi :
En octobre 2018, ALP Services a eu des discussions avec l’agent secret des Émirats arabes unis, Sheikh Matar, et Sheikh Ali Saeed Al Neyadi, conseiller du chef de la sécurité nationale des Émirats arabes unis. En collaboration avec son riche client émirati, ALP Services a imaginé un plan “offensif” et “efficace” pour lutter contre l’influence du Qatar en Europe. L’agence a été chargée de dresser une liste de représentants européens et de lobbyistes soupçonnés de travailler pour le Qatar, jetant les bases d’une campagne visant à influencer l’UE.
Le projet Constellation :
Dans le cadre du projet « Constellation », ALP Services a proposé un budget à UAE, avec des travaux préliminaires d’un montant de 350 000 euros et des dépenses mensuelles supplémentaires allant de 150 000 à 450 000 euros, selon le nombre d’individus ou de groupes ciblés. L’agence a recueilli les noms de dizaines d’élus et de lobbyistes prétendument associés au Qatar, préparant le terrain pour sa campagne visant à influencer les institutions européennes.
Intrigues et désinformation :
ALP Services a utilisé des tactiques trompeuses pour influencer les députés d’extrême droite dans l’UE, y compris l’actuel président du Rassemblement national français, Jordan Bardella. L’agence a revendiqué des succès grâce à son projet “Constellation”, mais elle s’est fortement appuyée sur des informations publiques et des méthodes douteuses pour étayer ses affirmations et répondre aux désirs des EAU.
Cibler Avisa Partners et Sihem Souid :
ALP Services considérait Avisa Partners, une société de renseignement rivale, comme une menace importante pour les efforts de contre-lobbying des EAU. Avisa a été accusée d’employer des pratiques douteuses, notamment l’utilisation de faux articles et de campagnes en ligne manipulatrices. ALP Services a également identifié Sihem Souid, un ancien policier français chargé des relations publiques du Qatar en France et dans d’autres pays francophones, comme faisant partie du “lobby secret” à Bruxelles.
Tactiques intrusives et influence médiatique :
L’agence suisse a fait des efforts extrêmes, y compris des opérations clandestines et intrusives, pour cibler les intermédiaires présumés du Qatar. ALP Services a photographié la résidence de Souid et a ensuite envoyé de faux e-mails à l’eurodéputé d’extrême droite Jordan Bardella pour inciter les médias à raconter des histoires pro-Qatar. Cependant, la réponse du député européen n’indique aucun engagement ferme.
Groupe d’amitié UE-Qatar impliqué :
ALP Services a dressé une liste de membres présumés du groupe d’amitié UE-Qatar, dont les eurodéputés Eva Kaili et Marc Tarabella, qui sont ensuite devenus des figures centrales du scandale du Qatargate. Les rapports de l’agence, cependant, contenaient souvent des informations erronées et de fausses hypothèses.
Une étiquette de prix somptueuse pour la campagne :
Les Émirats arabes unis ont payé le prix fort pour le projet “Constellation” d’ALP Services, avec des factures totalisant au moins 218 000 euros, acheminées via Ariaf, la société écran du service de renseignement.
Progrès incertains et promesses douteuses :
ALP Services avait l’intention de passer à la deuxième phase du projet “Constellation”, mais il n’est pas clair s’ils l’ont fait. L’agence s’est engagée à continuer de cibler les prétendus lobbies du Qatar au sein de l’UE et a cherché à entraver leurs activités.
L’émergence de documents soulignant le rôle des Émirats arabes unis dans l’ingénierie du scandale du Qatargate soulève de sérieuses questions sur l’utilisation d’agences de renseignement secrètes pour influencer les processus démocratiques au sein de l’UE. Les méthodes douteuses employées par ALP Services et l’ingérence des Émirats arabes unis dans les affaires européennes soulignent la nécessité de transparence et de vigilance pour contrer les tentatives de manipulation et de sape des principes démocratiques qui sous-tendent l’UE. Des enquêtes plus approfondies sur l’étendue de l’implication des Émirats arabes unis dans le Qatargate sont essentielles pour maintenir l’intégrité de la politique européenne et se protéger contre les influences extérieures cherchant à exploiter le système à leur propre profit.