
L’émancipation de la Guadeloupe se heurte à la frilosité des élus locaux
« Autonomie », avait lancé comme un gros mot, l’ancien ministre des outre-mer Sébastien Lecornu, lors de la crise sociale qui avait secoué la Guadeloupe fin 2021. « Domiciliation du pouvoir », avaient répondu les politiciens locaux, s’obligeant à remettre sur la table le sujet de la modification du statut de la Guadeloupe, mille fois évoqué mais jamais vraiment tranché.
En mai 2022, face aux multiples dysfonctionnements, les exécutifs ultramarins avaient formulé « l’appel de Fort-de-France », pour demander « un changement profond de la politique outre-mer de l’Etat ». Relançant, ainsi, une nouvelle fois, la réflexion autour des questions de gestion et d’institutions, longtemps après les états généraux, les assises de l’outre-mer et autres grands débats autour de la question.
Mercredi 7 juin, les élus locaux se réunissent en congrès. « C’est le tournant d’une concertation de terrain qui a débuté depuis plusieurs mois », raconte le président (divers gauche) du département, Guy Losbar. Une consultation qui a donné lieu à 153 préconisations, dit-il. « Il s’agit d’apporter des réponses concrètes aux problématiques de la population et de relancer le débat sur la question institutionnelle », comme base de négociations avec le gouvernement, rappelle le président Losbar qui s’affirme « favorable à la fusion en une collectivité unique de la région et du département ». « Mais je ne peux pas avoir raison seul », ajoute-t-il.
« Ce sera un congrès pour rien : on va parler de mesurettes de gestion mais pas du vrai sujet », ironise Jean-Jacob Bicep, secrétaire général de l’Union populaire pour la libération de la Guadeloupe (UPLG), formation indépendantiste. « Comme d’habitude ! assène Laurence Maquiaba, porte-parole de l’Alyans Nasyonal Gwadloup, parti politique arrivé troisième aux élections régionales avec un programme construit autour du désir d’émancipation. On est toujours sans autre vision politique que de dresser une liste de préconisations sous forme de demandes toujours plus fréquentes à l’Etat français. »
« Ce n’est pas un plébiscite »
Tout le monde, en local, sait que le débat institutionnel sera évoqué mais pas traité. Par manque de temps et de volonté. Par frilosité, aussi, peut-être. Car nombre d’élus, conscients de la défiance à leur égard, estiment que la population « préfère avoir de l’eau, des transports et des déchets gérés convenablement ». Et une faible majorité se prononce pour la fusion des deux collectivités, selon une étude locale menée pour l’Université des Antilles. « Ce n’est pas un plébiscite », reconnaît Marie-Luce Penchard, vice-présidente de la région (ancienne membre du parti les Républicains soutenue par Renaissance, le parti présidentiel) de Guadeloupe. D’autant plus que l’exécutif régional a mis en place, à l’issue des élections régionales, « un contrat de gouvernance concertée » avec son homologue du département, censé rendre les politiques publiques plus efficaces, mais qui manifestement n’a pas fait ses preuves.