Scandale « CumCum » : le fisc réclame plus de 2,5 milliards d’arriérés fiscaux aux banques
Fin mars, le Parquet national financier (PNF) faisait trembler la place financière parisienne en déclenchant une vague de perquisitions sans précédent. Dans le viseur : cinq grandes banques soupçonnées d’être impliquées dans le scandale du « CumCum » – un contournement à grande échelle de l’impôt sur les dividendes, révélé par Le Monde en 2018. Rien n’avait alors filtré des enjeux financiers à la clé.
Mais le 2 mai, devant le Sénat, le ministre délégué aux comptes publics, Gabriel Attal, a rendu public un chiffre qui permet de mesurer l’ampleur du phénomène. Le montant total des redressements notifiés à ce jour par l’administration fiscale s’élève à 2,5 milliards d’euros. Cette facture, qui inclut les pénalités en sus des sommes redressées, concerne notamment les cinq banques visées par les perquisitions du PNF (Société générale, BNP Paribas et sa filiale Exane, Natixis et HSBC), mais aussi le Crédit agricole, qui a reconnu auprès du fisc sa participation à ces schémas d’évasion fiscale, mais a échappé, pour l’instant, aux perquisitions.
Ces redressements visent essentiellement des montages intervenus entre 2017 et 2019, ce qui porte donc l’évaluation de la fraude à près d’un milliard d’euros par an. Cela représente, à titre de comparaison, plus de 6 % des sommes totales mises en recouvrement par le fisc chaque année pour l’ensemble des contribuables.
Des opérations plus complexes sans aucun chiffrage
Le « CumCum » est donc probablement au moins aussi massif que ne l’avait estimé l’Autorité des marchés financiers (AMF), seule autorité publique à avoir tenté de mesurer le phénomène. En 2021, le gendarme de la Bourse avait évalué le manque à gagner fiscal (hors pénalité) à entre 400 millions et 1 milliard d’euros par an. Mais l’AMF et les autorités fiscales aujourd’hui se sont uniquement concentrées sur le volet le plus simple du « CumCum », reposant sur les opérations de prêt-emprunt de titres – un aller-retour rapide d’actions boursières au moment du versement du dividende, destiné à échapper à la retenue fiscale.
Or, il existe plusieurs autres techniques de « CumCum » qui visent les mêmes objectifs. Certaines exploitent les failles de conventions fiscales favorables conclues par la France avec les pays du Golfe, qui prévoient une exonération complète d’impôt sur les dividendes pour leurs ressortissants. D’autres reposent sur des instruments financiers complexes, comme les total return swaps ou les contrats à terme. Autant d’opérations qui n’ont fait pour l’instant l’objet d’aucun chiffrage officiel, mais qui pourraient porter le manque à gagner total entre 2 et 4 milliards d’euros par an, selon les experts consultés en 2018 par Le Monde et le consortium de journalistes « CumEx Files ».
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