
« Les Eglises allemandes ne fournissent plus aux individus de ressources leur permettant de donner un sens à ce qu’ils vivent »
Pour la première fois de son histoire, moins de la moitié de la population allemande est membre d’une des deux grandes Eglises chrétiennes historiques. Fin 2021, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, l’Eglise catholique comptait 21,6 millions de membres et l’Eglise protestante (la fédération des Eglises protestantes luthériennes, réformées et unies, EKD) 19,7 millions, soit respectivement 26 % et 23,7 % de la population. En 2021, l’Eglise catholique a enregistré 360 000 « sorties d’Eglise ». L’EKD, quant à elle, 280 000. L’affiliation à une Eglise signifiant le paiement d’un impôt cultuel, la « sortie » permet donc de ne plus y être soumis, mais prive des services des Eglises (les juifs membres d’une communauté juive affiliée au Conseil central des juifs en Allemagne paient également un impôt cultuel, ce n’est pas le cas des musulmans en revanche).
Ces départs vont de pair avec une baisse significative de la fréquentation des églises depuis plusieurs décennies. Pour l’ensemble de l’Allemagne, en 2021, le taux de pratique dominicale s’élevait à 4,3 % chez les catholiques et à quelque 3 % chez les protestants. En 1953, 80 % des mariages en République fédérale d’Allemagne (RFA) étaient célébrés au sein d’une des deux Eglises chrétiennes. En 2019, ce n’était plus le cas que pour 18,4 % d’entre eux.
Comment expliquer ce recul continu du christianisme et la progression sans précédent du nombre de personnes sans confession dans un pays longtemps marqué par des Eglises chrétiennes en situation de monopole ? Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le nombre des départs au sein du catholicisme et du protestantisme atteint un premier pic en RFA en 1970, avant de faire un bond spectaculaire au lendemain de la réunification. En 1992, on enregistre 361 256 départs de l’EKD et près de 193 000 chez les catholiques. Après une stabilisation relative, ces chiffres sont repartis à la hausse pour atteindre de nouveaux records ces dernières années.
Rappels à l’ordre
Si le nombre des « sorties » a longtemps été plus élevé du côté protestant, où les liens ont toujours été plus relâchés entre les fidèles et leur Eglise, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les départs massifs enregistrés depuis 2010 chez les catholiques sont notamment liés aux révélations sur les scandales de pédocriminalité et d’agressions sexuelles dans différents diocèses allemands. Il n’est pas sûr que les propositions de réforme portant sur la gouvernance de l’Eglise catholique, le célibat des prêtres ou le rôle des femmes et des laïcs, présentées par les évêques et les laïcs allemands, en mars 2023, au terme de trois ans de chemin synodal, trouvent la faveur du Vatican. Les rappels à l’ordre du pape ont en effet « douché » les espoirs de nombreux catholiques.
Average Rating