« Le Frérisme et ses réseaux », de Florence Bergeaud-Blackler : un ouvrage entre vulgarisation et engagement

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Livre. Dès son préambule, Florence Bergeaud-Blackler prend soin de parer l’accusation de complotisme. Signe qu’elle se doutait que son ouvrage ne manquerait pas de soulever controverses et polémiques. Le titre lui-même, Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête, indique que le livre recèle des révélations, fruits d’une investigation qui se veut approfondie.

Afin de planter le décor, l’autrice résume, dans une première partie de 35 pages, l’histoire de la confrérie des Frères musulmans, de sa naissance, en 1928 en Egypte, au début des années 1980, période qu’elle estime charnière car, selon elle, ces années ont vu le début de l’internationalisation du mouvement. C’est très court par rapport, par exemple, à l’ouvrage de référence d’Olivier Carré et Gérard Michaud (le pseudonyme du sociologue Michel Seurat, ancien otage au Liban mort en captivité en 1986), Les Frères musulmans. 1928-1982 (Gallimard/Julliard, 1983). Surtout, le travail manque totalement d’historicité puisqu’il présente la doctrine des Frères comme un bloc immuable, alors que les années de persécution sous Nasser ont considérablement durci la doctrine de certains éléments comme Sayyid Qutb, qui est à la limite du djihadisme. Tandis que d’autres plaident pour une ouverture et une démocratisation.

Le livre débute vraiment là où Carré et Michaud s’étaient arrêtés, au début des années 1980, lorsque la répression en Syrie et en Egypte et le boom pétrolier poussent nombre de têtes pensantes du mouvement à émigrer soit dans les monarchies du Golfe, soit vers l’Europe et les Etats-Unis. Terres de refuge, ces contrées vont rapidement se transformer en terres de mission. Cette histoire aussi est connue.

« Salafisation » plutôt que « frérisation »

Selon Florence Bergeaud-Blackler, profitant des espaces de dialogue interculturels ouverts par une Europe naïve, la confrérie aurait investi tout le champ de l’islam institutionnel en se présentant comme la garante d’une voie pieuse et modérée, avant de passer à l’offensive pour modifier de l’intérieur les valeurs occidentales dans un sens favorable à sa vision de la société, de l’Etat et de la religion, qui forment un tout. Il s’agirait donc d’islamiser la connaissance et de plier la science à la foi, de subvertir l’histoire en invoquant le paradigme décolonial à tout bout de champ, et d’user des libertés individuelles pour imposer des normes communautaires conservatrices, comme le voile ou l’abaya, le halal, la séparation des sexes, etc.

La définition du frérisme adoptée par Florence Bergeaud-Blackler est si large que tout conservatisme islamique, y compris ce qui relève de la tradition culturelle, y est assimilé. Ce faisant, elle rate son objet, qui est bien plus une « salafisation » de l’islam que sa « frérisation ». Le salafisme est, en effet, en nette hausse, là où le frérisme, qui croit en l’action politique, est dépassé dans un Occident en dépolitisation accélérée.

 

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