Avec « Barvalo », le MuCEM compose un hymne aux cultures romani
Plantée à mi-parcours, une caravane sans roues résume le grand voyage qui a conduit à la réalisation de l’exposition consacrée aux Roms, Gitans, Sinti et Manouches, présentée au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), à Marseille, jusqu’au 4 septembre. A l’intérieur, un service de porcelaine anglaise attend, dans un décor surchargé. Cette scénographie qui ressemble à la vie dit tout : la nostalgie du voyage dans une vie sédentaire, les codes d’une culture dont la noblesse a été longtemps niée, la revendication des héritiers qui redécouvrent leur histoire et l’exhibent comme une richesse et une fierté.
Fier, c’est précisément le sens du mot « barvalo », choisi comme titre de l’exposition. Sous l’impulsion d’un anthropologue américain, Jonah Steinberg, avec les conservateurs du musée phocéen, les Romani, issus de plusieurs groupes et communautés, ont pour la première fois collaboré pour renouveler, ensemble, la représentation qu’ils véhiculent depuis des siècles.
Lorsque Julia Ferloni, conservatrice au MuCEM, prend langue en 2018 avec Anna Mirga-Kruszelnicka, qui dirige l’European Roma Institute for Arts and Culture, à Berlin, celle-ci est d’abord sur ses gardes. « J’étais à la fois réjouie et inquiète, se souvient l’anthropologue. L’art et la littérature ont véhiculé tellement de stéréotypes à notre endroit… »
Ballottés à travers les siècles, depuis l’Inde jusqu’en Europe, exhibés comme des bêtes de foire au Jardin d’acclimatation, à Paris, en 1913, réduits à des objets d’études anthropométriques avant d’être exterminés dans les camps nazis, les Voyageurs n’avaient pas encore eu droit à une exposition qui leur ressemble. « En fait, on n’existe pas. Et quand on existe, c’est par le discours des historiens ou des universitaires. Nous sommes en permanence sous tutelle », résume l’écrivain tzigane Jacques Debot, ancien assistant parlementaire d’Arnaud Montebourg.