
BNP Paribas reconnue complice d’exactions au Soudan par un jury américain
Un jury fédéral à New York a reconnu vendredi 17 octobre 2025 la banque française BNP Paribas complice d’exactions commises au Soudan entre la fin des années 1990 et 2009. Cette décision historique marque la première condamnation civile d’une banque pour avoir financé un régime accusé de génocide et de crimes contre l’humanité. Trois réfugiés soudanais, aujourd’hui citoyens américains, vont être dédommagés à hauteur de 20,75 millions de dollars pour des souffrances atroces subies sous le régime d’Omar al-Bashir.
Complicité avérée dans un contexte de génocide
Faits et contexte judiciaire
Le jury populaire de huit membres a conclu que BNP Paribas avait facilité, par le biais de lettres de crédit et contrats commerciaux, le financement du gouvernement soudanais et de ses milices Janjaweed responsables de nombreuses atrocités. Ces transactions ont permis au régime d’Omar al-Bashir d’accéder à des milliards de dollars, financant une campagne de nettoyage ethnique dans la région du Darfour qui a fait environ 300 000 morts et des millions de déplacés.
Le procès, mené sous l’autorité d’Alvin Hellerstein à Manhattan, a duré plus d’un mois, mobilisant des témoignages poignants des victimes. Les crimes rapportés incluent tortures, viols, emprisonnement arbitraire et pillages. BNP Paribas affirme que sa responsabilité n’a pas été prouvée et annonce faire appel du verdict « Ce verdict n’est que le début pour BNP Paribas », estime l’un des avocats des plaignants, Michael Hausfeld.
Dédommagements accordés
Les plaignants, Entesar Osman Kasher, victime de viols répétés et de la perte de proches, recevra 7,3 millions de dollars. Abulgasim Suleman Abdalla, ancien agriculteur torturé, et Turjuman Ramadan Turjuman, ancien juge et avocat des droits humains, doivent toucher respectivement 6,7 et 6,75 millions de dollars. Ces montants traduisent la reconnaissance par la justice américaine des graves préjudices subis.
Conséquences juridiques et impact sur BNP Paribas
Une décision historique et ses implications
Ce jugement est qualifié d’”historique” car il établit une responsabilité civile pour un acteur financier dans des crimes contre l’humanité, ouvrant la porte à d’autres poursuites similaires contre la banque. Les victimes réfugiées aux États-Unis se voient ainsi offrir une voie pour faire entendre leurs revendications, longtemps ignorées.
Les avocats des plaignants insistent sur le rôle central des institutions financières qui ne peuvent prétendre ignorer les conséquences humaines de leurs actions, surtout lorsqu’elles impliquent des régimes controversés et sanctionnés.
La réponse de BNP Paribas
La banque dénonce un verdict reposant sur une interprétation erronée du droit suisse, sous lequel le procès s’est tenu parce que certaines transactions étaient liées à la filiale genevoise de BNP Paribas. Elle conteste aussi la validité des preuves présentées et affirme qu’Omar al-Bashir aurait perpétré les crimes quels que soient ses partenaires financiers. BNP Paribas entend interjeter appel, soulignant que l’affaire pourrait lui coûter encore plus de procès.
Le contexte réglementaire et financier
BNP Paribas avait déjà admis en 2014 avoir violé les sanctions américaines en traitant des transactions pour le Soudan, l’Iran et Cuba, et avait payé une amende record de 8,9 milliards de dollars. Cependant, les victimes de ces agissements n’avaient jusque-là reçu aucune compensation directe. Le présent procès est une étape majeure pour faire reconnaître leur droit à la réparation.
Témoignages et souffrances des victimes
Des récits poignants
Les victimes ont relaté les horreurs infligées par les soldats et milices soudanaises armées par le régime : brûlures au cigare, lacérations, viols, emprisonnements arbitraires, et destructions de biens personnels. Ces exactions s’inscrivent dans un contexte de guerre sanglante au Darfour qualifiée de génocide par le gouvernement américain dès 2004.
Une porte ouverte à la justice pour des milliers de réfugiés
Le recours collectif regroupait initialement des milliers de plaintes d’exilés soudanais désormais aux États-Unis. Ce premier verdict sert d’exemple et pourrait encourager d’autres victimes à engager des actions similaires contre des institutions financières complices de violations des droits humains.
La condamnation de BNP Paribas pour complicité dans les atrocités du Soudan sous Omar al-Bashir constitue un tournant judiciaire et moral. Ce verdict souligne la responsabilité croissante des acteurs financiers dans le respect des droits humains et la lutte contre l’impunité liée aux crimes de masse. Alors que BNP Paribas fait appel, la communauté internationale observe avec attention cette première reconnaissance civile, qui pourrait ouvrir la voie à d’autres actions judiciaires contre les complicités financières de régimes génocidaires.