EDF, une fiabilité à restaurer

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La déroute d’EDF prendra-t-elle fin un jour ? Vendredi 17 février, l’énergéticien français a annoncé les pires résultats de son existence : 17,9 milliards d’euros de pertes en 2022, avec une dette qui atteint le niveau record de 64,5 milliards d’euros. C’est l’une des pertes les plus importantes d’une entreprise française dans l’histoire récente. Cette chute peut paraître paradoxale : sur les marchés européens, les prix de gros ont explosé et EDF, premier opérateur de réacteurs nucléaires en Europe, aurait dû en bénéficier largement et voir ses profits grimper.Mais le groupe a été frappé par une double malédiction. D’une part, il a connu une série de déboires sur le parc nucléaire, qui a conduit les réacteurs les plus puissants à être arrêtés pendant une période cruciale, l’hiver. Cette perte de production d’électricité – à laquelle il faut ajouter une faible disponibilité des barrages pour cause de sécheresse prolongée – a coûté quelque 29 milliards d’euros à EDF.

D’autre part, le groupe a dû assumer financièrement la volonté du gouvernement de limiter la hausse des prix de l’électricité pour tous les Français à partir du mois de février 2022. La politique du « bouclier tarifaire » a ainsi coûté à l’entreprise publique plus de 8 milliards d’euros.

Perte de compétences

Ces difficultés illustrent deux des plus grands défis auxquels fait face l’énergéticien. D’abord, les fragilités de la filière nucléaire. Les problèmes de corrosion rencontrés sur certains des réacteurs se sont ajoutés à des durées de maintenance de plus en plus longues et des chantiers s’éternisant sur d’autres réacteurs. Résultat : la production des centrales nucléaires françaises est au plus bas depuis trente ans. Et les années à venir promettent d’être difficiles : de nombreux réacteurs vont à leur tour être soumis à d’importants travaux pour assurer la prolongation de leur durée de vie de dix ans. Dans ce domaine, la filière nucléaire fait face au vieillissement d’installations qui ne seront pas éternelles et à la perte de compétences qu’elle n’a pas réussi à endiguer. Ce chantier est prioritaire pour le nouveau PDG du groupe, Luc Rémont, et le défi est immense.

L’autre aspect est tout aussi préoccupant : la politique à court terme du gouvernement, avec la mise en place du bouclier tarifaire, illustre l’absence de vision stratégique de la part de l’Etat. La nationalisation de l’entreprise, quasiment achevée, ne résout en rien les défis industriels, économiques et financiers. Depuis quinze ans, l’Etat impose à EDF une politique brouillonne, et parfois contradictoire. Lire aussi :

En la matière, le président de la République actuel est tout aussi incohérent que ses prédécesseurs. Après avoir fait fermer la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) et annoncé la fermeture prochaine de douze réacteurs, Emmanuel Macron a fait volte-face et souhaite désormais les conserver et en construire de nouveaux.

M. Macron a également essayé de procéder au découpage du groupe, avant de décider de le nationaliser. Et le gouvernement continue de défendre le mécanisme de l’Arenh (par lequel EDF doit revendre à prix préférentiel une partie de sa production à ses concurrents), qui est pourtant un « poison » pour l’entreprise, selon son ancien PDG Jean-Bernard Lévy. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés

Pourtant, pour faire face aux crises climatique et énergétique, la France et l’Europe ont besoin d’un énergéticien fiable, capable d’investir massivement en étant soutenu par des pouvoirs publics qui ont une vision à long terme. Les résultats d’EDF montrent que tout est à reconstruire.

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