
Lydéric Bocquet, un physicien qui porte haut l’art du ricochet
Le physicien Lydéric Bocquet, 54 ans, accélère. Depuis quelques mois, ce jovial chercheur enchaîne les succès, dont une partie seulement remplirait d’aise n’importe quel scientifique. En décembre2022, il entre à l’Académie des sciences. En janvier, il signe un article dans Science, son deuxième, qui s’ajoute aux huit publiés dans Nature et aux trente-quatre dans Physical Review Letters, la revue de référence en physique. En février, pour un an, il entame ses cours au Collège de France pourla chaire Innovation technologique Liliane Bettencourt. Le 1er avril, un projet financé par le très sélectif Conseil européen de la recherche a débuté (c’est la troisième fois qu’il décroche un tel financement, une réussite rare en France). Enfin, ce médaillé d’argent du CNRS (en 2017) peaufine la création d’une cinquième start-up, nom de code Shadok, car ces personnages facétieux ont inventé une passoire qui laisse passer les spaghettis mais pas l’eau…
« C’est exactement cela que l’on veut réaliser : utiliser les lois bizarres qui régissent les fluides aux nanoéchelles pour réaliser ces passoires complexes des Shadoks. (…) Et on commence à savoir le faire. Grâce aux lois émergentes des fluides aux nanoéchelles », a résumé Lydéric Bocquet lors de sa leçon inaugurale, citant ces héros fictifs, peu habitués à la solennité de ces lieux. Et révélant sa spécialité actuelle, la « plomberie » dans des tuyaux de taille nanométrique, soit de l’ordre du milliardième de mètre.
Dans ce discours passionné, une autre référence – encore plus inattendue – s’est glissée : la chanteuse Anne Sylvestre. « Là où j’ai peur, j’irai », avait-elle dit dans Le Monde en 2018, maxime qu’a reprise l’orateur pour livrer une vision originale de son parcours.
Les voies les plus risquées
Certes, comme ancien troisième ligne amateur au rugby, il aime, comme on dit, plonger la tête là où d’autres ne mettraient pas les mains. Mais que la peur soit bonne conseillère en science surprend. « Si la peur tétanise, elle peut aussi être tout à fait exaltante et motrice. Car elle porte le désir de se tracer un chemin vers une terre inconnue, par les voies les plus risquées (…). Le goût du risque, affronter sa peur, c’est le propre des chercheurs et de la recherche scientifique. [Il] suscite chez nous un puissant désir de comprendre et, à vrai dire, il est justement très excitant de ne pas savoir », a-t-il justifié dans sa leçon.
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