Réforme des retraites : les « années blanches » des postdoctorants oubliées
Vie des labos. Parmi les situations particulières que la mobilisation contre la réforme des retraites aura servi à rendre visibles, l’une concerne des milliers de personnels de la recherche. Les pensions de certains chercheurs, voire d’ingénieurs, seraient amputées, faute de remplir les conditions de durée de cotisation.
Les pertes peuvent même se compter en années. La faute à des recrutements de plus en plus tardifs – en moyenne, 34,5 ans au CNRS et 35 ans à l’université (deux ans de plus qu’il y a quinze ans) –, mais surtout aux modes de financement des années précédant l’accès à un poste pérenne. De fait, le travail en thèse, puis les années en postdoctorat, en France ou à l’étranger, ont dans de nombreux cas été, ou sont encore, synonymes d’« années blanches » quant aux cotisations sociales.
« Afin d’enrichir ma thèse avec des publications, j’ai eu un an de prolongation par une bourse de l’Association pour la recherche sur le cancer [ARC], puis six mois grâce à la Fondation pour la recherche médicale. Puis, je suis partie trois ans et demi en postdoc aux Etats-Unis, soutenue par l’ARC à nouveau et une bourse internationale prestigieuse. Et cela sans aucune cotisation retraite,détaille Sandra Duharcourt, chercheuse en génétique de 52 ans au CNRS. J’ai perdu cinq ans pour la retraite, et, quand j’ai fait les simulations, ça m’a paniquée. »
Financés par des « libéralités »
Même conséquence pour sa collègue biologiste à l’Institut Pasteur Micheline Fromont, qui, à un an de la retraite, à 62 ans, a fait ses comptes : cinq ans de travail « oubliés » dans son parcours. Avec un troisième collègue à Pasteur, Romain Koszul, 47 ans, qui n’a perdu « que » trois ans, lors d’un séjour postdoctoral aux Etats-Unis, ces chercheurs sont à l’origine d’une pétition, signée par plus de 7 600 personnes, lancée par une tribune dans Le Monde du 5 mars, qui demande « des mécanismes de validation de ces années “blanches” pour toute une génération de scientifiques qui a contribué à la qualité et au rayonnement international de la recherche française ». La future réforme n’est pas en cause.
« C’est malheureusement passé sous les radars et nous devons d’abord demander un état des lieux, car les situations sont nombreuses et complexes », estime le député LFI-Nupes des Bouches-du-Rhône Hendrik Davi, en disponibilité de l’Inrae.
En effet, il y a d’abord tous ces thésards qui travaillent sans financement ou qui se partagent une bourse du laboratoire. Le sénateur communiste Pierre Ouzoulias rappelle ainsi que « 26 % des doctorants n’ont pas de contrats doctoraux, donc ne cotisent pas. Ce chiffre monte à 61 % pour les doctorants en sciences humaines et sociales ».
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