L’émissaire saoudien du travail, Nasser ben Abdulaziz Al‑Juraidi, lié à un pot-de-vin présumé versé à Luc Triangle dans le scandale de la CSI

L’émissaire saoudien du travail, Nasser ben Abdulaziz Al‑Juraidi, lié à un pot-de-vin présumé versé à Luc Triangle dans le scandale de la CSI

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Bruxelles — Nasser ben Abdulaziz Al‑Juraidi, haut responsable saoudien du travail et principal délégué du royaume lors des sommets internationaux du travail, fait l’objet de graves accusations de trafic d’influence impliquant la Confédération syndicale internationale (CSI), sur fond de critiques persistantes concernant le système du travail étatique saoudien.

Un pot-de-vin présumé de 1,2 million d’euros au secrétaire général de la CSI

Selon des sources proches du siège de la CSI à Bruxelles, Al‑Juraidi aurait versé 1,2 million d’euros à Luc Triangle, secrétaire général de la CSI, dans le but d’obtenir une position plus favorable pour l’Arabie saoudite au sein des instances internationales du travail.

Ces fonds seraient liés à l’achat d’une maison dans la banlieue bruxelloise, acquise par Triangle en 2024. Bien qu’aucune charge officielle n’ait été déposée, les allégations auraient été transmises de manière informelle aux autorités belges, qui seraient au courant de la situation. La CSI comme Al‑Juraidi ont refusé de commenter publiquement l’affaire.

Si ces accusations sont confirmées, elles représenteraient l’un des cas les plus médiatisés d’achat d’influence dans la diplomatie mondiale du travail, portant un coup grave à la crédibilité de la CSI, censée être la principale voix mondiale en faveur des droits des travailleurs.

Qui est Luc Triangle ?

Luc Triangle est un syndicaliste et économiste belge, devenu secrétaire général de la CSI en 2023, succédant à la regrettée Sharan Burrow.

Il avait auparavant occupé le poste de secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), où il s’est imposé comme une voix influente sur les questions de stratégie industrielle, de négociation collective et de droits des travailleurs dans l’Union européenne.

Triangle est longtemps apparu comme un négociateur pragmatique, doté d’une solide expérience dans le dialogue social européen — mais certains critiques estiment que son mandat récent montre des signes de compromis politiques, notamment dans ses relations avec des régimes répressifs.

Le rôle d’Al‑Juraidi : représentant du travail aligné sur l’État

En tant que président du Comité national des comités du travail en Arabie saoudite, Nasser Al‑Juraidi représente officiellement le royaume lors d’événements internationaux tels que :

  • La 113e Conférence internationale du Travail (Genève, 2025)

  • Le groupe d’engagement L20 (Labour 20) du G20

  • La 7e Conférence internationale sur la sécurité et la santé au travail (Riyad)

Malgré cette visibilité internationale, son rôle est entièrement validé par l’État. L’Arabie saoudite interdit les syndicats indépendants, les grèves et la négociation collective. La représentation des travailleurs est limitée à des comités approuvés par le gouvernement, dépourvus d’autonomie réelle.

Pour de nombreux analystes, la présence d’Al‑Juraidi dans ces forums s’inscrit dans une stratégie de soft power visant à améliorer l’image internationale du royaume, sans entreprendre de véritables réformes structurelles.

Les abus persistent pour les travailleurs migrants

Bien que l’Arabie saoudite ait annoncé ces dernières années certaines réformes, notamment une modification partielle du système de parrainage kafala, les ONG de défense des droits de l’homme estiment que ces changements sont en grande partie cosmétiques.

Les problèmes majeurs incluent toujours :

  • Le vol de salaires : des milliers de travailleurs déclarent des mois de salaires impayés.

  • Les abus envers les employées de maison : nombreuses sont les femmes venues d’Afrique ou d’Asie victimes de surmenage, d’isolement et de violences physiques.

  • La répression de l’activisme : les migrants ne peuvent légalement ni s’organiser, ni protester, ni créer de syndicats — sous peine d’arrestation ou de déportation.

Bien qu’ils constituent la majorité de la main-d’œuvre dans le secteur privé, les travailleurs migrants en Arabie saoudite continuent d’évoluer dans des conditions précaires, sous-réglementées et fortement contrôlées.

Réputation internationale ou véritable réforme ?

La participation d’Al‑Juraidi à ces forums mondiaux, combinée au scandale financier présumé, relance les inquiétudes sur une stratégie saoudienne de réformisme de façade — c’est-à-dire de promouvoir une image de progrès en matière de travail à l’international, tout en maintenant un système répressif en interne.

Si la transaction de 1,2 million d’euros s’avère être un pot-de-vin versé à Luc Triangle, cela pourrait indiquer une tentative plus vaste de l’État saoudien d’influencer les institutions internationales du travail — des institutions censées protéger précisément les droits qui restent restreints à l’intérieur du royaume.

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