
« Face à l’inceste, nous demandons une protection claire de l’enfant dès qu’il prend le risque d’exprimer ce qu’il a vécu »
Le 9 février, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité la proposition de loi déposée par la députée socialiste Isabelle Santiago sur le retrait et la suspension de l’autorité parentale dans les situations d’inceste et de violences conjugales. Et chacun de se féliciter, de faire assaut de compassion et de compréhension pour les enfants victimes.
Mais, en y regardant de plus près, le législateur a encore été bien timide pour remettre en cause la sacro-sainte autorité parentale et, dans ces situations précises, le plus souvent l’autorité paternelle. Le texte voté prévoit en effet la suspension de l’autorité parentale du parent poursuivi pour des crimes et délits commis sur son enfant, notamment les infractions incestueuses.
Il semble de bon sens que l’enfant ne réside plus chez celui qui est soupçonné de le maltraiter, de le violer, au risque que les maltraitances se poursuivent.
Il semble de bon sens que ce parent n’ait plus le droit d’empêcher une aide psychologique pour son enfant traumatisé, de lui interdire le contact avec les personnes qui l’ont aidé, de décider de son orientation scolaire, du choix de son activité sportive…
Il semble de bon sens que cette protection se mette en place le plus tôt possible.
Face au parent dénoncé
Lorsqu’un enfant révèle un inceste, il brise un tabou impérieux, le silence de tous qui permet depuis des siècles que se perpétue cette trahison des pères et des mères à leur mission parentale. L’enfant est seul face à ce choix incroyable : parler au risque de mourir, se taire au risque de mourir – 50 % des victimes d’inceste ont fait au moins une tentative de suicide, selon notre sondage Ipsos. Il est comme celui qui se jette du haut d’un immeuble enflammé plutôt que de rester prisonnier des flammes. Il fait le pari insensé que quelqu’un sera là pour l’empêcher de se fracasser au sol.
Mais, selon le texte de loi voté le 9 février, nous ne serons pas là dès le début, dès que sa parole brisera l’omerta et le laissera sans défense ni cachette face au parent dénoncé. Il devra continuer à résider chez ce parent ou à lui rendre visite. Le parent qu’il aura dénoncé aura ainsi toute latitude pour l’intimider, le culpabiliser, voire le terroriser, tant que le procureur n’aura pas entamé les poursuites. Rétractations, oubli de certains faits, refuge réitéré dans le silence sont à craindre…
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