« Good Bye, Lenin ! », sur Arte : une comédie politique nostalgique dans un îlot de Berlin-Est
Soit une famille ordinaire de Berlin-Est, composée d’une mère d’autant plus dévouée à l’idéal socialiste que son mari l’a quittée pour les charmes sulfureux du capitalisme, ainsi que de deux grands adolescents, Alex et Ariane, qui piaffent d’impatience dans cette société sclérosée. L’action se déroulant en 1989, l’histoire ne va pas tarder à voler à leur secours en faisant tomber le mur de Berlin le 9 novembre. Tout irait donc pour le mieux si la mère, victime d’un infarctus quelques jours avant cet événement décisif, ne se réveillait huit mois plus tard d’un profond coma, le moindre choc émotionnel étant dès lors formellement déconseillé par les médecins. Dans l’impossibilité d’avouer à leur mère, sous peine de l’achever, le bouleversement historique qui vient d’avoir lieu, ses deux fils prennent le parti de faire comme si rien ne s’était passé.
Ingéniosité du scénario
A rebours d’une société qui s’ouvre à la liberté et marche vers son unification, ils vont donc s’évertuer à revenir en arrière, faisant croire à leur mère que la RDA existe toujours. Laborieux exercice, en même temps que source comique infinie.
Les trésors d’ingéniosité déployés – remise en état à l’identique de l’appartement, retour vestimentaire à la mode est-allemande, transvasement méticuleux des nouvelles conserves dans les récipients de marques désormais disparues, travestissement des gamins du quartier en pionniers socialistes… – atteignent un sommet avec l’installation d’une télévision secrètement reliée à un magnétoscope alimenté en faux programmes d’actualité made in RDA. Les signes du changement se voient aussitôt transformés en autant de témoignages de triomphe du socialisme. Les foules franchissant le mur de Berlin en direction de l’Ouest deviennent ainsi des réfugiés impérialistes venant trouver asile à l’Est. Lire aussi, sur une exposition à Berlin : Article réservé à nos abonnés Sur les traces de la RDA
Outre la dimension évidemment parodique, la réflexion porte ici sur l’ambiguïté des images, tout à la fois traces fidèles de la réalité et matière à un constant trafic, dont la propagande communiste se fit une insigne spécialité. Servie pas de bons acteurs et par l’ingéniosité de son scénario, cette farce désillusionnée pose, en matière philosophique, la question de savoir s’il vaut mieux vivre du fol espoir d’obtenir un jour la commande d’une Trabant ou assouvir sans délai son désir de conduire une Mercedes. La réponse à cette question désespérante compte moins que le fait qu’elle soit posée par un réalisateur d’une Allemagne réunifiée où les lendemains n’en finissent pas de déchanter.
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