
pourquoi le Sud ne se mobilise-t-il pas plus contre les aventures impérialistes de la Russie de Poutine ? »
Conversation politique il y a quelques jours dans un taxi bruxellois. Le chauffeur vient de la République démocratique du Congo. Il nous explique, en substance, que « nous » ne comprenons rien à l’affaire ukrainienne. Nous n’avons encore pipé mot, mais, très honoré d’être d’emblée considéré comme le porte-parole de l’Occident collectif, nous écoutons. Attentivement.
« Nous » aurions provoqué les Russes. « Nous » aimons la guerre, surtout les Américains. L’OTAN s’apprêtait à attaquer la Russie, tout le monde le sait bien. Vladimir Poutine, qui est un homme sage et prudent, ne fait que se défendre. « Vous ne l’aimez pas parce qu’il vous tient tête. » En armant les Ukrainiens, « nous » prenons le risque d’un conflit nucléaire. « Nous » tenons l’Afrique en otage avec nos sanctions qui font grimper les prix du carburant et de l’alimentation.Ainsi rendu comptable de tous les malheurs provoqués par l’Occident collectif, je n’en paie pas moins ma course et salue en la personne du chauffeur un éminent porte-voix du Sud global. Dans l’hybride Toyota noire, une affaire stratégique venait de se jouer, sous la forme d’une question qui devrait tarauder les Occidentaux : pourquoi le Sud n’est-il pas plus massivement mobilisé contre les aventures impérialistes et néocoloniales de la Russie de Vladimir Poutine ?
Inutile de faire valoir à notre chauffeur qu’aucune procédure d’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique n’était en cours en février 2022 ; que cette affaire de l’OTAN ne vaut guère plus, en l’espèce, que les imaginaires armes de destruction massive de l’Irak en 2003 ; que le prétexte otanien ne figure pas en pole position dans le vaste spectre des raisons invoquées par M. Poutine pour attaquer Kiev. Le discours de notre chauffeur reflète d’abord une sensibilité qui domine dans une bonne partie du Sud, notamment en Afrique – à l’ONU, seize pays africains (sur cinquante-cinq) ont refusé, le 23 février 2023, de condamner l’intervention russe en Ukraine. Pourquoi ?
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