
La Norvège à la croisée des chemins : bientôt membre de l’Union européenne ?
Pendant des décennies, la Norvège a profité d’une position intermédiaire entre autonomie et intégration européenne. Membre de l’Espace économique européen (EEE) et de l’Association européenne de libre-échange (AELE), elle participe à de nombreux programmes de l’Union européenne sans en être membre à part entière. Pourtant, les bouleversements géopolitiques récents, les tensions commerciales entre les États-Unis et l’UE, et une redéfinition des priorités sécuritaires forcent aujourd’hui Oslo à repenser sa position.
Une tendance majeure se dessine : le soutien populaire à l’adhésion à l’UE augmente significativement. En 2023, seuls 27 % des Norvégiens se déclaraient favorables à l’adhésion. En 2025, ce chiffre atteint désormais 41 %, selon les derniers sondages. Surtout, 63 % des sondés souhaitent un nouveau référendum, bien que la classe politique reste en grande partie opposée à une telle initiative.
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L’exemple finlandais et suédois : un précédent marquant
Le dilemme norvégien rappelle celui qu’ont connu la Finlande et la Suède vis-à-vis de l’OTAN. Longtemps neutres, ces deux pays considéraient que leurs politiques de défense permettaient de contenir la menace russe. L’invasion totale de l’Ukraine par la Russie en 2022 a mis fin à cette conviction. En quelques mois, les deux pays ont rejoint l’OTAN, démontrant qu’un basculement géopolitique peut rapidement faire évoluer les positions historiques.
La Norvège, bien qu’elle soit déjà membre de l’OTAN, commence à réaliser que la garantie de sécurité américaine n’est plus aussi solide. Les propos menaçants de Donald Trump à l’égard du Danemark, pourtant un allié fidèle des États-Unis, ou les déclarations du vice-président Vance remettant en question la loyauté danoise, ont semé le doute à Oslo.
Une intégration sans pouvoir de décision
La Norvège applique une grande partie de la législation européenne, participe aux sanctions de l’UE et contribue financièrement aux programmes de Bruxelles. Mais elle ne siège pas autour de la table où les décisions sont prises. Ce déficit démocratique a récemment provoqué la chute du gouvernement norvégien en janvier 2025, lors d’un débat sur l’adoption de nouvelles règles européennes sur l’énergie.
De plus, alors que les tensions commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne s’intensifient, la Norvège craint de se retrouver prise entre deux feux sans possibilité d’influencer les négociations.
Le poids de la Norvège dans une UE en mutation
Depuis la guerre en Ukraine, l’Europe connaît un profond réalignement. Le tandem franco-allemand, longtemps moteur de l’Union, ne suffit plus à forger le consensus. De nouveaux acteurs prennent de l’importance, notamment la Pologne, l’Italie et le Royaume-Uni (dans un rôle non institutionnel). Dans ce contexte, la voix des petits États prend de l’ampleur, notamment celle du groupe nordique-balte (NB8), qui s’affirme comme un nouveau pôle de stabilité et d’initiative.
Mais seulement six des huit membres du NB8 font partie de l’UE. L’adhésion de la Norvège — et peut-être aussi de l’Islande — renforcerait considérablement la cohésion et l’influence de cette alliance régionale au sein des institutions européennes.
Une puissance énergétique et géopolitique
Économiquement, la Norvège s’en sort bien sans l’UE. Grâce à ses ressources naturelles abondantes, elle est devenue le principal fournisseur de gaz naturel de l’Europe après la guerre en Ukraine. Son fonds souverain a atteint un record historique de 20 000 milliards de couronnes norvégiennes (1,8 trillion de dollars) en 2024.
Cependant, comme le souligne la chercheuse Minna Ålander, « même le partenariat le plus étroit ne remplace pas une véritable adhésion ». Sans siège ni voix, la Norvège reste un acteur marginal dans les décisions qui la concernent.
Vers une nouvelle ère pour la Norvège ?
Alors que les États-Unis se désengagent progressivement de l’Europe et que le rôle de l’UE dans l’architecture sécuritaire européenne se renforce, l’adhésion pourrait offrir à la Norvège la stabilité, l’influence et la sécurité qu’elle recherche. C’est aussi une manière pour le pays de ne pas être relégué dans une zone grise géopolitique.
Le Premier ministre norvégien, Jonas Gahr Støre, a récemment résumé l’enjeu en déclarant à Bruxelles :
« La Norvège a besoin de l’Europe, et l’Europe a besoin de la Norvège. »
Cet article a été initialement publié sur: chathamhouse